Le bleu
Contrairement aux idées reçues, la couleur occupe une place déterminante dans la conception des projets signés par Liaigre. À la fois sujet et objet, elle en donne le ton et contribue à l’atmosphère qui se dégage d’un lieu. Les matériauthèques du Studio et des showrooms témoignent de l’importance de la couleur et de la grande variété des gammes disponibles. Au cœur de cette palette, le bleu décliné dans toutes ses nuances figure dans de nombreuses réalisations. À l’image du rouge ou du vert, il est doté d’une valeur symbolique liée à l’histoire des civilisations et des cultures.
D’une relative indifférence voire d’une méfiance exprimée à l’égard du bleu pendant l’Antiquité, l’on est passé à un quasi plébiscite, le bleu s’étant graduellement imposé à partir du Moyen-âge jusqu’à l’époque moderne comme l’une des couleurs les plus prisées. Cette capacité de séduction aux yeux du plus grand nombre, en fait une tonalité familière et rassurante dans l’espace domestique. Parce qu’il apaise et invite à la rêverie, le bleu est partout de bonne compagnie.
Photos : Julia Hetta, Claire Israel, Sophie Carre, Mark Seelen, Benoit Auguste | Texte : Françoise-Claire Prodhon
Voir les détails
Contrairement aux idées reçues, la couleur occupe une place déterminante dans la conception des projets signés par Liaigre. À la fois sujet et objet, elle en donne le ton et contribue à l’atmosphère qui se dégage d’un lieu. Les matériauthèques du Studio et des showrooms témoignent de l’importance de la couleur et de la grande variété des gammes disponibles. Au cœur de cette palette, le bleu décliné dans toutes ses nuances figure dans de nombreuses réalisations. À l’image du rouge ou du vert, il est doté d’une valeur symbolique liée à l’histoire des civilisations et des cultures.
D’une relative indifférence voire d’une méfiance exprimée à l’égard du bleu pendant l’Antiquité, l’on est passé à un quasi plébiscite, le bleu s’étant graduellement imposé à partir du Moyen-âge jusqu’à l’époque moderne comme l’une des couleurs les plus prisées. Cette capacité de séduction aux yeux du plus grand nombre, en fait une tonalité familière et rassurante dans l’espace domestique. Parce qu’il apaise et invite à la rêverie, le bleu est partout de bonne compagnie.
Photos : Julia Hetta, Claire Israel, Sophie Carre, Mark Seelen, Benoit Auguste | Texte : Françoise-Claire Prodhon
Fermer

Il suffit de prononcer le mot bleu pour qu’immédiatement s’invitent dans nos imaginaires les images du ciel et de l’océan. Pourtant cette couleur n’a pas toujours été associée au ciel et à l’eau. Dans la mosaïque byzantine ainsi que dans la peinture religieuse du Moyen âge et du tout début de la Renaissance, le ciel lorsqu’il constitue le fond d’un sujet représentant Dieu, le Christ ou la Vierge est le plus souvent figuré par un fond or qui symbolise l’espace du divin. Le bleu invite au voyage et à la contemplation, il nous procure le bien-être immédiat d’une prise de distance avec la réalité, le bleu du ciel comme celui de l’océan sont infinis et insondables, ces deux
caractéristiques favorisant largement la rêverie. Cette propension à susciter le rêve éveillé est certainement l’une des raisons pour lesquelles le bleu est perçu comme une couleur apaisante. Mais ce ressenti est le résultat d’une approche romantique du bleu qui dans la poésie et la littérature du XIXe siècle (Novalis, Goethe) devient le synonyme d’une forme de sentimentalité qui peut aller jusqu’à la nostalgie ou la mélancolie. De l’innocence de la fleur bleue du poète jusqu’au blues des jazz men il n’y a qu’un pas…

La nature propose tout un éventail de nuances : du bleu foncé presque noir ou violet jusqu’aux tonalités les plus pâles en passant par les bleus vifs et électriques, les bleus pétrole ou canard, les turquoises tirant plus ou moins sur le vert, les bleus glaciers, les bleus tendres, les bleus verts, les presque mauve ou les presque gris… Dans ce répertoire, tous les mots pour dire et inventorier les différentes nuances de bleu sont liés à l’histoire des pigments et des teintures et donc également à l’histoire de l’art et des arts décoratifs. Très peu évoqué durant l’Antiquité gréco-romaine, c’est une couleur mal aimée à laquelle on n’accorde pas grande importance. On maîtrise assez mal le bleu dans la teinture et par conséquent on ne s’habille pas en bleu. Il faut attendre le moyen âge pour que le bleu vienne prendre une place prépondérante dans la société européenne. Cela passe par l’héraldique (puis plus tard par le drapeau, le bleu figurant aujourd’hui sur nombre d’entre eux), tandis que le bleu devient une couleur royale, considérée comme l’égale du rouge et sa rivale.
La Réforme protestante au XVIe siècle va distinguer les couleurs dites honnêtes des couleurs plus voyantes, et le bleu qui figure aux côtés du noir, du brun, du gris et du blanc dans la catégorie des couleurs “acceptables” va largement bénéficier de ce préjugé. Ce point de vue moral sur la couleur aura une grande influence sur les codes vestimentaires, influence encore évidente de nos jours s’agissant par exemple du vêtement masculin et /ou de travail, de l’uniforme ou du dress-code. L’invention d’un grand nombre de nuances de bleu par les teinturiers du XVIIIe siècle parmi lesquels le bleu dit de Prusse ou de Berlin qui enrichit la palette des sombres, finit de lui conférer le statut de couleur favorite. Dans le même temps, on cesse de considérer le bleu comme une couleur chaude, c’est ainsi qu’en étant qualifié de couleur froide le bleu devient une tonalité que l’on juge calme et apaisante.

Le bleu s’est installé durablement dans le quotidien des cultures occidentales : vêtements, décoration, il est la couleur favorite d’une majorité d’individus. On pense évidemment aux nuances du denim qui habille une grande partie de la population toutes générations confondues, mais c’est également cette couleur déclinée dans ses différentes nuances que l’on choisit seule ou assortie à d’autres dans bon nombre d’intérieurs. Facile à vivre, le bleu semble mettre tout le monde d’accord ou presque !



Chez Liaigre, le bleu s’invite fréquemment dans les projets qu’il s’agisse d’un appartement, d’une maison en ville, d’un chalet en montagne, d’une villégiature au bord de la mer ou d’un yacht. Le studio en fait un usage subtil, l’utilisant de manière picturale en touches comme une inflexion, une ponctuation, c’est un élément de langage qui entre dans un ensemble et participe d’une harmonie car ses tonalités dialoguent aisément avec différentes essences de bois ou variétés de pierres. “J’aime la précision de la couleur qui sort de l’ombre et que j’utilise toujours en tâche franche” affirmait Christian Liaigre, cette réflexion s’applique au bleu parfaitement compatible avec une palettes de tons sombres qu’il s’agisse des noirs, des bruns ou des gris… Un bleu foncé répondant à une essence de bois aux accents profonds va créer une atmosphère à la fois enveloppante et chaleureuse. Cette palette sombre et la subtilité qui s’y attache rappelle la fascination de Christian Liaigre pour la culture japonaise et sa relation à la couleur, notamment à travers les arts décoratifs et la mode où il n’est pas rare de voir le noir et le bleu nuit juxtaposés.

Un bleu vif ou tendre contrastant avec un bois clair va apporter une note douce et fraîche. Les bleus plus clairs ne sont pas sans relation avec l’esthétique des arts décoratifs français du XVIIIème siècle durant lequel la Manufacture de Sèvres met au point ses fameux bleus, notamment le bleu dit céleste qui est presque turquoise. Ces bleus clairs sont également en vogue durant la période moderniste : on peut évoquer le bleu presque mauve choisi par la couturière Jeanne Lanvin pour le décor de sa chambre à coucher, un décor conçu par Albert Rateau et aujourd’hui visible au Musée des Arts Décoratifs à Paris. Or le XVIIIème siècle français tout comme les années 1920 sont partie intégrante du répertoire créatif et imaginaire de Liaigre depuis sa création.


Cuir, laque, tissus, tapis, accessoires, le Studio Liaigre invite le bleu dans toutes les pièces de la maison : velours bleu nuit habillant un canapé, tapis bleu turquoise, cuir bleu pétrole dans une salle à manger ou cuir lavande sur une banquette, coin lecture tendu de bleu, cabine de yacht, salle de projection, en fonction de son intensité, de sa profondeur ou au contraire de sa légèreté le bleu vibre différemment : Il peut suggérer une atmosphère nocturne ou diurne, instaurer un certain mystère, et suscite dans tous les cas un sentiment de réconfort et d’apaisement. Familier et par là même sans surprise, le bleu s’inscrit naturellement dans nos intérieurs où son authenticité et sa simplicité nous séduisent.
Découvrir aussi

« Liaigre : 12 Projets », retour sur une réédition
